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15 avril 2022

Goran KOZINA, promo 1997

[Interview réalisée en 2019]

 

Tu as été diplômé en 1997. Comment imaginais-tu alors ta carrière ?

L’école nous avait dit que l’industrie française manquait cruellement d’ingénieurs spécialisés en composites et polymères. 

J’avais justement suivi cette formation qui semblait très attrayante et la plus difficile. 

La suite logique aurait été de rejoindre un équipementier automobile comme Faurecia ou Plastic Omnium, voire l’industrie chimique en Allemagne comme BASF. Ma carrière se serait dirigée vers un poste d’ingénieur ou responsable industrielle/projet, peut-être responsable usine à long terme.

 

Tu as fait l'essentiel de ton parcours professionnel à l'étranger (Pologne, Inde, Thaïlande, Corée du Sud). Quel est le secret pour réussir son expatriation et son intégration dans une équipe multiculturelle ?

J’ai eu la chance d’avoir une opportunité d’un CSNE (aujourd’hui VIE) pour rejoindre un site Valeo en pleine expansion en République Tchèque. Les autres sites du groupe ont servi de benchmark pendant 5 ans et aujourd’hui cette usine est d’ailleurs la mieux classée grâce au travail d’équipe mis en œuvre dans toute l’usine.   

Pour réussir à l’étranger, il n’y a pas de secret ! Plusieurs facteurs sont à prendre en compte :

  • Savoir se présenter et présenter les problèmes comme les locaux. Au Japon il faut 5 réunions pour résoudre un problème :  
    • La première sert à présenter qui on est, notre parcours, notre culture. 
    • La deuxième sert à présenter le problème dans les moindres détails. 
    • La 3eme réunion sert à présenter la solution. 
    • La 4eme permet de faire une synthèse. 
    • La 5eme se fait sans nous, les équipes locales retracent le problème et la solution. Si 1 personne exprime un désaccord, l’équipe n’appliquera pas la solution. L’harmonie de l’équipe est la priorité absolue.
  • Apprendre la culture locale d’entreprise par des cours spécialisés et par les autres médias
    • Ne pas faire de stéréotype par pays, chaque personne est unique
    • Un pays n’est pas forcement un seul pays : L’Inde est une réunion de 27 états et 3000 langues et dialectes
    • Respecter les horaires (au Japon et en Corée en particulier), 
    • Ne jamais faire perdre la face en réunion (Asie)
    • Controller le moindre détail par le micromanagement (Inde)
    • Parler calmement sans crier (Thaïlande, Japon)
    • Ne jamais s’énerver, car cela est un signe de manque de contrôle
    • Le sourire est souvent un signe de problème = Cela signifie que la personne va vous donner un problème à résoudre
  • Apprendre la langue locale :
    • J’ai appris le tchèque, le polonais, l’anglais. C’est un facteur de succès clef pour parler aux clients !
    • Le japonais est difficile (le hiragana et le katakana sont faciles, le kanji demande des années d’apprentissage)
    • Le coréen est une langue très intéressante dans la mesure où on arrive à détecter des différences en réunion entre ce que dit la personne en coréen et ce qui est traduit en anglais
  • Prendre toujours les jobs les plus difficiles. On apprend le mieux par ces challenges
  • Etre persévérant. 
    • Les personnes en Corée travaillent très dur et pendant de longues heures. Pas de plainte pendant des heures, pas de blabla pendant des réunions interminables. Les actions sont faites tout de suite
    • C’est tout l inverse au Japon et en Inde…et même en France !
  • Les problèmes sont toujours des bonnes nouvelles: Une opportunité de résoudre et de faire avance les choses

 

Que retiens-tu de ton passage à l'école et comment vois-tu son évolution ?

La question est difficile, 22 ans après ! 

Une personne va travailler plus de 30 ans, ce qui veut dire au moins 10 postes différents de 3 ans chacun. Il faut avoir à l’esprit que la spécialité apprise a l’école ne sera pas celle de toute sa vie.  Il faut étudier constamment (J’étudie encore plus de 10 heures/semaine) et savoir d adapter aux challenges et demande du marché.

L’école doit davantage s’investir dans les jobs du futur. Internet regorge d’exemples (ITIS security, autonomous car, AI, etc..) Les demandes sont énormes dans ces marchés dynamiques ! 

Concernant l’industrie, il faut former des ingénieurs multidisciplinaires sachant gérer des systèmes complexes et faisant le lien entre les différents métiers. Le temps des spécialistes dans des niches est révolu. On recherche beaucoup les profils qui sont polyvalents (3 ans de production, ensuite 3 ans dans la qualité, etc..) et qui peuvent devenir les leaders de demain dans plusieurs domaines.